J’envisageais de m’injecter de l’acide de batterie par le nombril quand j’ai réalisé que le corps humain était déjà pourvu de son propre liquide corrosif. J’en ai aussi profité pour me rendre compte que je ne pensais pas de manière normale. Mon raisonnement avait commencé de manière tout à fait saine, je ne sais plus comment exactement et j’ai abouti à cette conclusion mécanico-gastrique de façon rationnelle. C’est l’attente qui me rend un peu dingue je crois. Je n’aime pas rester à rien faire. Pourtant j’ai de quoi me distraire.
Ça fait longtemps que j’ai sa clef. La sienne et celle de tout le monde en fait. Depuis que j’ai récupéré le passe du gardien. Pourtant je ne m’en étais jamais servi jusqu’ici. Mais là je ne tiens plus, je ne peux plus me contenter de l’observer de loin, elle doit savoir.

Je suis assis sur son lit. J’attends comme un idiot qu’elle rentre. Elle est en retard, d’habitude elle est déjà là quand je reviens du travail. Mais c’est vendredi soir, après tout elle est jeune, peut-être qu’elle sort avec des amis. Ça me laisse le temps de la découvrir un peu plus à travers son appartement. De ma fenêtre, je ne voyais rien tous comptes faits. Toujours le même angle de vue. Sa bibliothèque, et son canapé-lit surplombé d’une copie de Géricault. Sa chambre est minuscule. Le lit deux place sur lequel je me trouve prend toute la place. Juste une lape de chevet reposant sur une pile de livres du côté droit. Elle dort toujours au même endroit on dirait, il y a comme un trou de ce côté. J’envisage un moment de m’y lover moi aussi, mais je pourrai m’endormir et je ne veux pas qu’elle me trouve comme ça. Ça ferait bizarre non ? La chambre est sombre d’ailleurs, il y règne une chaleur atroce. Le velux est entrouvert avec le rideau baissé mais nous sommes sous les toits. Il n’y a rien d’autre ici à part peut-être quelques fringues jetées par ci par là. J’aperçois un débardeur jaune troué et détendu que je lui connais bien. Je pouvais parfois y entrevoir la courbe d’un sein lorsque l’angle m’était propice. Sûrement son débardeur fétiche. Je n’y touche pas. Je ne veux pas qu’elle me prenne pour un maniaque.

Le temps passe et mes genoux jouent des maracas alors je passe au salon. La bibliothèque n’était pas orpheline, elle avait une jumelle, une siamoise même accolée à la première. C’est fou le nombre de livre qu’il y a ici. Une littéraire certainement à en juger par le nombre de classique qui s’y trouve. Mais pas que. La première est rempli de tout ces livres bourratifs qui m’écœurait à l’école. Balzac, Flaubert, Proust, Racine, Marivaux… Tous ces noms me donnent la migraine. Je l’admire rien que pour avoir pu les lire. La plupart d’entre eux sont coiffés sur leurs bord de bouts de papiers fluos. Tout est empilé sans grand soin, soit par manque d’estime, soit par l’excès de va-et-vient dans ce garde-lecture. L’autre est bien mieux organisé. C’est ici que sont entreposés avec méthode ses livres à Elle. Huckleberry Finn coutoie Nabokov et Kundera. Rimbaud jouxte les Basketball Diaries et Bukowski s’appuie contre les mémoires Tom Waits. Il y a une certaine logique dans ce fatras. Une logique que je commence doucement à saisir. Mais je n’ai pas le temps de pénétrer son univers. j’entends des talons dans les escaliers…

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