Il gara la voiture sur le parking désert, coupa les phares puis le moteur et attendit un moment. De la buée se formait déjà sur les vitres sales. En quelques minutes, il n’y voyait plus rien. Du revers de la manche, il perça un nuage de visibilité pour garder un œil sur son rétroviseur. Il recula le siège, bascula le dossier en arrière jusqu’à atteindre la buté et s’étira de tout son long en poussant un interminable soupir. Les os de son dos cliquetaient tandis qu’il cherchait une position pour se reposer. Quand enfin il la trouva, il clôt ses paupières et superposa ses mains sur sa poitrine. Le silence se fit dans l’habitacle et les battements de son cœur vinrent rythmer l’écoulement des secondes.

La route avait été longue depuis Paris et il avait refusé de faire la moindre pause. Il était épuisé et essayait vainement de se vider la tête. Évidemment, c’était impossible et la fatigue semait le trouble dans ses pensées. Il dût se rendre à l’évidence, s’il restait trop longtemps ici il allait finir par s’énerver, il s’entait déjà son cœur s’emballer et la fièvre lui monter aux tempes. Il remit le siège dans sa position initiale, inspira un grand coup en gardant les yeux fermés et ouvrit sa portière.

Il resta là un instant, debout appuyé contre sa portière et fît un tour d’horizon. Le jour allait bientôt se lever. Le soleil était encore loin mais, commençait déjà à brûler la naissance du ciel. Il n’y avait toujours pas d’autre voiture que la sienne ici. Le coin n’était pas très fréquenté. En contrebas on apercevait les toits de la vielle ville. Pas beaucoup de touriste en cette saison et peu d’activité de toute façon. On était loin des lieux à la mode. Il faisait froid ici. Terriblement froid. Les gens du coin parlaient de fraîcheur maritime mais ce ne sont que des mots, en réalité il détestait cet endroit. Le froid était décuplé par l’humidité environnante qui s’insinuait partout. L’air imprégnait vos vêtements dans toutes les fibres et y déposait cette sensation poisseuse et persistante, comme si tout ce qui touchait votre peau était imbibé d’une sueur refroidie et collante. Il tomberait malade tôt ou tard.

Il claqua la porte contre la ceinture qui pendait à l’extérieur et le bruit de métal claqué résonna tout autour. Il grogna entre ses dents, contre la médiocrité de la voiture et contre lui-même d’avoir cassé la tranquillité du lieu. D’un geste agacé il jeta la boucle sur le siège et verrouilla tout sans à coups.

>Quelques pas plus loin, le bitume se laissait envahir par les herbes de bonne volonté jusqu’à s’effacer. Un sentier apparaissait là, sans que personne n’ait décidé de le tracer là. Il serpentait dans les herbes hautes, ancrées par un miracle inconnu dans le sable.

Au détours d’une dune après une centaine de mètres de marche il vît enfin ce qu’il était venu chercher sans le savoir. L’horizon. Le ciel toujours gris et nuageux qui devenait doucement incandescent à mesure que sous lui rougeoyait lentement, comme un miroir, l’océan.

Soudain tout s’effaçait. Les kilomètres de route, l’engueulade avec sa femme, les larmes des gosses et les problèmes du boulot qui s’accumulaient. Tout ça n’avait aucune importance. Devant ça on se taisait parce qu’on était rien. Le spectacle enseignait l’humilité plus vite que n’importe quel sermon. La réponse était là. Il s’assît, tombant presque, ignorant le sable qui peuplerait ses poches et envahirait son porte-feuille. Bientôt ses yeux se plisserait, aveuglés par l’astre mais il regarderait quand même.

Terrassé qu’il était, le temps disparu complètement et il fût surpris quand une main se posa sur son épaule.
« Ça faisait longtemps fils… »

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