Puzzle Inassemblable

Ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas si mal dormi. D’ordinaire ses nuits étaient courtes mais reposantes. Elle aurait bien évidemment préféré passer de longues heures dans son lit à larver en regardant les rayons du soleil filtrer à travers les volets de la chambre. Mais son corps réclamait de l’activité.

Allongée depuis cinq minutes les yeux fixés au plafond elle tentait de donner un sens à ses rêves, ou plutôt ses cauchemars. Prisonnière d’un homme dont elle ne voyait pas le visage, elle sentait pourtant ses mains s’enfoncer en elle, s’ouvrant un passage à travers sa chaire pour atteindre son cœur. La douleur semblait insoutenable. Pourtant se fut pire lorsque l’homme l’empoigna. D’un geste il fit exploser son muscle cardiaque entre ses doigts.

>C’est à ce moment qu’elle se réveillait. Plus ses pensées tournaient plus elle savait qu’elle connaissait l’homme de son cauchemar sans pouvoir mettre un nom sur cette impression. Ne pas parvenir à un résultat la mit en colère. Elle se leva d’un bond et le froid de la chambre la saisi instantanément. Elle dormait la fenêtre entre-ouverte devant les volets de plastique. Elle était debout, nue, la peau frémissante. Le mois d’avril avait gardé de l’hiver une fraîcheur un peu trop brutale.

Elle pressa le pas jusqu’à la salle de bain pour y prendre son peignoir. Celui-ci reposait accroché à un banal cintre plié sous le poids du coton lui même suspendu à un crochet de bois planté maladroitement dans le mur un an plus tôt. Le crochet avait été placé à la va-vite mais de manière réfléchis, juste au dessus du radiateur.

Un fois enfilé le peignoir tout chaud elle se passa un peu d’eau sur le visage et bu l’eau au robinet. Elle regarda son reflet dans le miroir.

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Alignés les uns derrière les autres sur une dizaine de rang, nous attendons sagement que le Général ordonne le début. Cela fait plusieurs heures maintenant que l’on m’a tiré de chez moi. Je n’ai pas opposé de résistance je savais qu’ils viendraient tôt ou tard. Je n’y suis pas allé avec le sourire mais après tout je n’avais pas le choix. Dans les camions de transport, personne ne parlait. Je suppose que tout le monde partageait ma résignation.

Ça ne devrait plus trop tarder maintenant. Un gradé fait signe au Général et celui-ci fait ouvrir les portes du fond. Les soldats poussent d’immenses chariots à roulettes, supportant des dizaines d’armes d’assaut. Un mouvement de menton et la distribution commence. Un fusil et trois chargeurs. Chacun son tour puis on avance. Un Caporal à l’air hargneux pose une question à chacun et les aiguilles d’un côté ou de l’autre. Les rangs grossissent plus vite du côté droit. Je me demande où je serai dirigé. Mon tour arrive enfin. L’arme pèse une tonne. Dans mes jeux vidéos la souris, elle, ne pèse rien. Je me demande si la différence sera aussi importante quand je presserai la détente. J’entends enfin la question. « Tu sais t’en servir ? – non… – à gauche. ». Voilà je rejoins le groupe des non aptes au combat direct. Mes camarades d’infortune partagent ma gène. Nous sommes inutiles au pays. Les hommes qui viennent gonfler les rangs en face de moi ne semblent pas gonflés de fierté pour autant. Pour eux le paquetage s’alourdit, d’un sac à dos kaki et d’un uniforme assorti. Les chariots se vident et de nouveaux sont apportés pour les remplacer. Je me demande combien d’armes le Général peut encore fournir pour cette armée de fortune. La salle est vide maintenant. Nous ne sommes pas plus d’une cinquantaine de ce côté, ils étaient des centaines à avoir répondu « oui » à la question. Ce constat me fait un peu plus comprendre comment le pays en est arrivé à cette affrontement que personne ne veut nommer « guerre ».
Pour nous autre, c’est l’incertitude. On nous rassemble rapidement en formation serrée mais c’est un amas informe qui commence à avancer sur la voix du sergent qui nous martèle le rythme de marche. « L’entraînement commence dès à présent » nous annonce t-il. Je n’aurais jamais pensé que ça puisse être aussi vrai.

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Dix ans. Cela faisait dix ans qu’il n’était pas rentré. Dix qu’il n’avait parlé à aucun d’entre eux. Dix ans aussi qu’il avait fait ce choix. Ce choix sur lequel il lui était impossible de revenir. Et sur lequel il n’avait jamais voulu revenir. Après tout ce temps, il se demandait ce qu’il trouverait. Il était parti sans prévenir qui que ce soit. Changé d’adresse mail de téléphone fermé les divers compte qui le liaient encore à son ancienne vie. Personne n’avait tenté de le joindre ou, tout du moins personne n’avait réussi. Aujourd’hui il prenait le train vers son ancienne vie. Il voulait savoir. Et elle avait aussi un peu insisté pour qu’il le fasse

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Bien avant le lever du soleil les oiseaux avaient pris l’envol. Ils étaient partis en un peu après minuit, réveillés par on se sait quel présage. Pas un seul ne restait quand les premières lueurs du jour vinrent frapper les sables de Longbeach. Il ne s’y trouvait rien à éclairer d’autre que quelques détritus trop lourd pour être charrié par le vent et pousser à la mer comme on glisse la poussière sous le tapis. En fait il s’y cachait tout de même quelque chose d’inhabituel. Mais invisible à l’oeil. Camouflé durant la nuit à la hâte on devinerait bientôt quelques doigts humains jaillissant à la surface des grains de silice. Il faudrait le passage de plusieurs touristes se baladant sur la côté et l’acharnement d’un fox terrier à dénicher sa trouvaille pour que les autorités trouvent le corps de Ryan McGrowning et les cinq balles de .38 logées au travers de sa poitrine. M. McGrowning n’était pourtant le genre de personne que l’on retrouvait criblé par du gros calibre. Et sa femme était du même avis. C’est peut être pour cette raison que la police pris cet homicide au sérieux.

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Tes fuites lacrymales laissent des impressions sanguines au fond de tes rétines, un tatouage à l’encre de chine s’est inscrit dans ta pompe à hémoglobine. Autour se battent des pantins pour tes sourires, alors tu caches le pire et, quand tu jettes un de tes gardiens de solitude, doucement mais invariablement, reviennent des spectres de lèvres mordues et de regards rêveurs. Sans consistance mais parée d’un visage indistinct, des yeux vides interrogent tes soupirs. Muse aveugle frappée de la malédiction de Cassandre, tu construis des châteaux de cartes enflammées en priant pour que la pluie daigne tomber et que le vent ne souffle pas. Des songes de jade empoisonnent tes instants de clairvoyance. Sous des flots éthyliques tu noies espoirs et égarements fantasmés. Sous ta peau et dans tes veines hélas, s’écouleront toujours des torrents de flammes maternelles glacés par la réalité. Cruelle.

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