Lydia – Acte 1

   Lydia ne se souvenait plus depuis quand elle était là. Mais ça faisait longtemps. Elle avait certainement une vie avant, mais impossible de se rappeler laquelle. Son propre prénom lui était inconnu d’ailleurs, il s’était perdu dans les cauchemars qui la hantaient, endormie ou éveillée. La pièce où elle se trouvait était sombre, dépourvue de porte ou de fenêtre. Un simple cube de pierre, percé au sommet par un trou minuscule, par lequel un cône de lumière pale et invariable venait s’écraser au sol. Il formait sur le sol une tache blanche sans vie d’un mètre de diamètre à peine. Autour de ce cercle, rien. Pas un meuble, pas de lit, pas de toilettes. Seulement des murs vides noircis de suie. La pièce ressemblait à l’âtre d’une grande cheminée striée de marques de flammes. Malgré ce passé apparent tout était froid ici. Parfois, notre prisonnière voyait son souffle s’évaporer dans la lumière puis disparaitre. Elle avait longtemps parcouru la surface minérale pour y trouver une faille, posée ses mains à plat, tâtonnant, frappant pour y trouver une sortie, un indice d’échappatoire. Mais rien. Pourtant on pouvait sortir. Elle le savait. Parce que des choses entraient et sortaient d’ici. La nourriture, à intervalle régulier se retrouvait à son réveil au milieu de la pièce comme sur un piédestal. Ses vêtements aussi était changés pendant son sommeil. Mais aucun son, autre que ses cris et ses coups contre la roche ne venait répondre à ses appels. La personne ou la chose qui était responsable de sa captivité ne voulait pas communiquer. Mais subvenait à ses besoins vitaux.

   Le temps n’existait pas. Aucune activité ne venait rythmer sa vie. Aucun repère de jour ou de nuit. La lueur du plafond ne s’éteignait pas. Elle devait se cacher dans un coin sombre de la pièce pour dormir. Il lui était impossible d’évaluer la durée de son sommeil ou de son éveil. Mais le temps passait tout de même. Ses cheveux noirs atteignaient ses reins à présent alors qu’ils lui caressaient la base de la nuque à un certain moment. Ça elle s’en souvenait. Mais à quand cela remontait-il ?

   Pourtant, les choses changèrent du tout au tout quand, un temps, elle trouva autre chose que de la nourriture en offrande. Sur le sol, cette fois se trouvait une paire de gants brillant. Comme ceux d’une armure médiévale. Elle s’agenouilla pour contempler. Du cuir, armé de multiples plaques de métal ornées d’arabesques, agencées en quinconce et s’articulant autour d’une peau durcie et sombre. Curieuse, elle passa ses nouveaux instruments. Le cadeau était à sa taille. Sur mesure même. Elle fit jouer ses doigts dans le halo lumineux. Le métal brillait comme du chrome mais impossible de deviner sa nature. Les cliquetis l’amusaient. Une véritable musique même pour elle. Mais l’essentiel était sous ses yeux. Au bout de chaque doigt, des griffes. Aiguisées, solides et bien ancrée dans la main. Ces gants étaient une arme. Mais elle en ferait un autre usage. Elle se releva et couru vers un des murs. Comme un chat, elle commença à gratter un pan. Qui s’effrita, grain de poussière après grain de poussière. Sa prison était donc endommageable. Elle pouvait lui faire mal à son tour. À mesure que tombait la pierre, ses mains s’accéléraient. Une véritable frénésie s’empara d’elle. Le trou qui se formait sous ses assauts grandissait à vu d’œil et révélait une nature faible et blanche sous la crasse. De la craie pour ainsi dire. Elle ne voulait pas s’arrêter. Pas reprendre son souffle. Pas quitter des yeux son entreprise, de peur qu’elle ne disparaisse. C’est son corps qui mit fin à ça. Un fusible claqua quelque part dans ses entrailles et elle s’effondra.

Quand elle rouvrit les yeux les gants étaient de nouveau au centre de la pièce. Intactes. Les résidus de pierre et de poussière avaient disparus. Mais le trou dans le mur, lui, n’était pas rebouché…

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