Interlude sans interet

La pièce est noire, seul un écran géant les éclaire d’une lumière bleutée qui vacille de manière saccadée. Sur le canapé en croûte de cuir, ils sont deux à avoir rendus les armes. Il s’est laissé sombrer contre son sein en sachant d’avance qu’il l’encrerait à lui sans qu’elle ne puisse s’évader. Elle a cédé sans se battre, acceptant de devenir cette statue de chair maternelle. Une fois son rôle endossé, elle s’est abandonnée elle aussi. Sur un pouf griffé recouvert de poils se tient, placide, un chat mou et bien nourri. Il observe la scène comme il regarde un jouet cassé. La télé hurle les dialogues idiots d’une série mal doublée puis le volume redouble pour brailler un remix improbable de Knock on heaven’s door pour nous vendre la dernière voiture du peuple, peuple élu des publicitaires. Les spots s’enchainent comme autant de scénario-mégots, et quand la série coupe de nouveau le flot de réclames, elle entrouvre un oeil comateux sur le lecteur de disque dernière génération. 0:35. Il est très tard. Elle laisse couler son corps pour attrapper la télécommande. L’obscurité et le silence reprennent leurs droits. Sa main tâtonne pour allumer une petite lampe. L’ampoule à économie d’énergie chauffe lentement et la pénombre fait place à une chaude lueur qui s’amplifie. Elle lui chuchote à l’oreille et les deux corps s’animent comme des enfants groguis à l’aube d’un départ en vacances. Les deux zombies quittent la pièce, traînant la lumière sur leur passage jusqu’à atteindre la chambre où il finiront la nuit. Lorsque tout est calme de nouveau, le chat serpente jusqu’au canapé où il dégueule le géranium grignoté cet après midi et un quart de souris. Puis il quitte la pièce.

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